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assignations dans la langue anglaise, et il citait un jugement du juge Bowen qui, l’année précédente, avait renvoyé une cause qui se plaidait entre deux Canadiens, parce que l’assignation était écrite en français. M. Vallières de Saint-Réal fit remarquer à la Chambre que le souverain d’Angleterre, lorsqu’il exerce sa plus haute fonction, celle de la sanction des lois, s’exprime en français. « S’ensuit-il de là, disait M. Vallières[1], qu’il oblige les Communes à se servir de cette langue dans leurs délibérations ? Depuis que les Anglais se sont affranchis d’une langue étrangère que les anciens rois normands leur avaient imposée, il ne leur est pas venu à l’idée d’imposer leur langue aux habitants des îles de la Normandie peuplées par des Français, et actuellement sous la domination anglaise. D’ailleurs, il est bon de remarquer que le premier principe de l’ordre judiciaire est de ne juger personne sans qu’il ait été porté à se défendre ; or, comment obtenir ce résultat si on l’assigne dans une langue qu’il ne comprend pas ? C’est en conséquence de ce principe qu’en 1785, il avait été passé une ordonnance provinciale statuant que les assignations seraient rédigées dans la langue des défendeurs ; cette ordonnance, n’ayant pas été rappelée, avait encore force de loi ; par conséquent, les juges, en donnant au Protonotaire l’ordre dont il se plaint, avaient agi contrairement à un principe élémentaire de la justice, et en contravention avec la loi. »

La Chambre partagea les vues de l’éminent avocat, ajoute M. Bédard, et donna instruction au Protonotaire de dresser désormais les assignations dans la langue des défendeurs.

Un autre défenseur de la langue française s’était aussi levé pour protester contre ce déni de justice. Augustin-Norbert Morin, alors simple étudiant en droit, avait écrit au juge Bowen une lettre énergique sous forme de brochure, dans laquelle il revendiquait avec chaleur les droits de la langue française devant les tribunaux.

Lorsque s’ouvrit le nouveau parlement, le 20 novembre 1827, la Chambre s’occupa d’élire son président. M. Vallières fut encore proposé (sans son consentement) en opposition à M.Papineau, mais celui-ci fut réélu. Lord Dalhousie ayant refusé

  1. Cité par Bédard, op, cit., p, 247.