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d’autres de ses collègues ; il dut se contenter de la besogne assez dure et plutôt ennuyeuse du service de garnison durant la saison inclémente de l’automne et des premiers jours de l’hiver. Il fit simplement son devoir ; sa gaieté et sa sérénité coutumières lui aidèrent à supporter les contretemps inévitables du service de garnison.

Rendu à la vie civile, M. Vallières reprit l’exercice de sa profession un instant interrompu.

Cueillons encore une fois, dans le parterre de M. de Gaspé, une anecdote sur les premières années du jeune avocat :

« Vallières, LeBlond, Plamondon et moi, admis au barreau à peu près dans le même temps, fîmes nos premières armes à la tournée de Kamouraska. Un de nos clients, plaideur enragé comme le Chicaneau de Racine, échut en partage à Vallières pour ses péchés. Cet homme ne parlait et ne rêvait que de sa cause de cinq sols, à laquelle il pensait que tout le monde devait prendre le plus grand intérêt. Il obsédait son malheureux avocat depuis le matin jusqu’au soir : nous étions en juillet, et dès trois heures du matin, il battait la diane à sa porte. La voiture de ce prévenant plaideur stationnait toute la journée devant notre hôtel, prête à transporter l’infortuné praticien dans ses promenades pour jaser avec lui de son affaire. La ténacité de ce plaideur était telle que, si nous allions souper chez le seigneur Taché, d’où nous ne sortions souvent qu’après minuit, le premier objet que Vallières voyait en sortant était son plaideur qui l’attendait dans sa calèche.

« Nous ne cessions de plaisanter Vallières sur son malencontreux client.

— Et dire, fit-il un jour, que je n’aurai pas la consolation, pour me venger, de perdre sa cause.

— Pourquoi ? dit Plamondon.

— Parce qu’elle est mauvaise, répliqua Vallières, et que tu plaides contre moi.

— Lieux communs, mon cher, répondit Plamondon, aménités journalières entre avocats ; il eût été plus modeste et plus