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« Ainsi que M. de Gaspé vient de nous le dire, le juge Vallières avait fort jeune quitté sa mère dans le Haut-Canada ou elle avait contracté un second mariage, pour venir demeurer à Québec, chez un de ses oncles qui voulait l’engager comme commis dans une boutique d’épiceries.

« Doué d’une excessive tendresse de cœur, Vallières avait toujours regretté sa mère qu’il n’avait pas revue depuis son départ du Haut-Canada, et nourri secrètement le dessein d’aller la voir après avoir terminé ses études, ce qu’il ne manqua pas de faire.

« Le voyage de Québec à Toronto qui s’appelait alors little york ou muddy york, dans le voisinage duquel demeurait sa famille, n’était pas une mince affaire, même pour un gousset richement garni, et il y a cent à parier contre un que celui de notre voyageur était à peu près vide. Ce devait être vers 1806 ou 1807 ; il n’y avait pas encore de bateaux à vapeur. De Québec à Montréal, le trajet devait se faire en goélette, et de Montréal au Haut-Canada, par le même véhicule sur le Saint-Laurent et les lacs, et le reste de la route en diligence pour les riches et à pied pour les pauvres ; notre voyageur, comme on le devine tout de suite, comptait parmi ces derniers.

« Un esprit froid y eût vu un monde de difficultés, mais qu’est-ce qui peut retenir l’amour filial et l’esprit d’aventures d’un jeune homme de vingt ans au cœur chaud et à la tête folle ? Il ne partit pourtant pas seul. Il eut pour compagnon de route un jeune homme de son âge qui devait plus tard être un des prêtres distingués du diocèse de Montréal, et qui est mort quelque temps après le juge Vallières, lui-même comblé d’années et de vertus, l’abbé Lefebvre, curé de Sainte-Geneviève.

« Qui était ce jeune homme, où allait-il, d’où venait-il, quel motif le portait à suivre son ami dans son voyage au lointain pays ? J’avoue que je ne l’ai jamais appris, bien qu’il m’ait lui-même confirmé le fait plus tard.

« Nos voyageurs font seuls le trajet de Québec à Montréal où Lefebvre, soit qu’il eut changé de dessein ou qu’il ne fût parti que pour se rendre en cette ville, quitte son ami qui poursuivit seul son voyage. Ce dernier ne tarda cependant pas à trouver un compagnon de route avec lequel une conformité d’âge, d’intelligence et de