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M. de Tocqueville a écrit, à la première page de son livre sur l’Ancien Régime et la Révolution : « Les Français ont fait en 1789 le plus grand effort auquel se soit jamais livré aucun peuple, afin de couper pour ainsi dire en deux leur destinée, et de séparer par un abîme ce qu’ils avaient été jusque-là de ce qu’ils voulaient être désormais. » Il ajoute immédiatement qu’ils n’ont pas réussi dans cette singulière entreprise. « La Révolution, dit-il, a eu deux phases bien distinctes : la première, pendant laquelle les Français semblent vouloir tout abolir dans le passé ; la seconde, où ils vont reprendre une partie de ce qu’ils y avaient laissé[1]. »

Ces retours au passé, et nous ne parlons que de retours partiels, comme ceux auxquels nous faisions allusion tout à l’heure, étaient légitimes, souvent nécessaires, toujours utiles. L’expérience faite depuis près d’un siècle le démontre d’une manière éclatante. Si la mesure a été dépassée, sur certains points, au moment de la réaction, la responsabilité n’en peut-elle pas être imputée pour une partie à ceux qui, se laissant aller à leurs passions et à leurs illusions, ont, pour affaiblir la royauté, désorganisé le gouvernement, l’administration et la justice et ont amené, par ces mesures imprudentes, un tel désordre et une telle anarchie que le pays, en désarroi, a dû accepter, à tout prix, les moyens qui paraissaient les plus sûrs pour rétablir promptement l’ordre et les finances.

La destruction et le rétablissement des institutions anté-

  1. L’Ancien Régime et la Révolution, Avant-propos, p. i et vi.