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LES FEMMES ARABES

Ces paquets se meuvent, ils s’avancent ; alors, on distingue qu’ils sont portés par des pieds poussiéreux et dominés par une tête tellement parcheminée, décrépite, ravinée, hachée, que ce n’est plus une figure humaine ; c’est la statue de la souffrance, personnifiant une race torturée par la faim.

Ces créatures sans âge ni sexe, qui heurtent et détonnent dans ce cadre féerique, avec leurs haillons autrefois blancs, ne sont point des vieillardes, elles viennent d’être maman. Un adorable poupon est sur leur croupe, entortillé dans un pan de haick.

Femmes d’expropriés, bouches affamées de trop dans leur tribu, elles vaguent, pauvres femelles, repoussées de partout, traquées brutalisées, insultées dans toutes les langues, par toutes les races qui se sont installées sur le territoire de leurs pères.

Quand, exténuées, elles veulent faire halte, s’accroupir pour donner le sein à leur enfant, il se trouve toujours quelqu’un pour leur dire qu’elles salissent la terre et pour les bousculer,