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heures précédée de suivantes, accompagnée de sa mère, une matrone commune, et de sa jeune sœur, une bébette de huit ans, déjà mariée. Ceux qu’elle honore de sa visite lui servent un lunch, et avec quelle suprême élégance Sadia porte une coupe à ses lèvres ou mange un gâteau.

Il faut bien qu’elle soit réellement séduisante, il faut bien qu’elle soit incomparable, cette Sadia, puisque les maris dont elle est divorcée ne peuvent l’oublier.

Pourquoi donc alors tous ces divorces ?

Voici son odyssée avec le dernier mari, le caïd Mouhamed, fils d’un bachaga, s’il vous plaît.

Le caïd Mouhamed, des environs de Tiaret, où naissent les plus beaux hommes, avait vu marcher Sadia, et il en était devenu éperdument amoureux. Les passions ne sont pas patientes en Algérie ; pour satisfaire la sienne, le caïd Mouhamed acheta Sadia trente mille francs.

On célébra pompeusement les noces, malgré le rechignement de la famille de l’époux qui criait à la mésalliance. (Les questions de généalogie, de naissance, ont une importance capitale en pays arabe ; selon ses parents, le caïd Mouhamed devait épouser non la belle Sadia, mais une fille de grande tente). On fit rôtir des moutons entiers par troupeaux, on égorgea mille poules, on fabriqua deux