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temps très court de la famine ; car, si grande que fût leur sobriété, les Beni Gharabas étaient plus de quinze cents bouches à nourrir !

Il n’y eut bientôt plus rien sous la tente, ni argent, ni provision, et rien dans l’immense pleine aride où est campé le douar. Depuis longtemps, aussi loin que l’on a pu marcher, on a cueilli, au point d’extirper la racine, les asperges sauvages dont se délectent l’hiver les Français d’Algérie ; depuis longtemps, on a arraché jusqu’aux plants des chardons, que l’on mange en guise d’artichauts et qui en ont le goût plus fin.

On déserte par bandes le douar silencieux sur lequel plane la mort pour aller à la ville ; on se répand dans les sentiers qui conduisent aux villages environnants. Ceux qui restent avec les enfants mourants trompent leur faim en buvant de l’eau. Mais ce remplissage factice n’empêche pas l’estomac de se tordre et de hurler.

Les moins affaiblis des restants sondent aux alentours le sable de leur matraque. Celui qui a soupçonné une racine se jette à plat ventre sur la terre dorée et nue. Ses doigts décharnés ne lui semblent bientôt plus porter ce qu’il trouve, assez rapidement à sa bouche ; alors, comme l’animal dont Mahomet a interdit la consommation, il enfonce fébrilement