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compense le pain qu’il ne mange pas. « C’est un mauvais moment à passer, dit-il héroïquement. Dès que je lui aurai mis en main mes pièces, le Conseil d’État m’accordera mon dû. »

Naïf tirailleur ! Le Conseil d’État dira t-il oui, après que le ministre de la Guerre a dit non ? Pendant que l’on gaspillera l’argent rue Saint-Dominique, on n’aura pas de quoi indemniser les Arabes qui ont guerroyé pour nous vingt ans.

Quand, talonné par le besoin, l’ex-soldat de la France, Salah ben Abdalhah, qui ne connaît, pour pouvoir gagner sa vie, d’autre métier que le métier militaire, va, rouge de honte, réclamer chez ses coreligionnaires « la part de Dieu » ou solliciter de sa tribu des secours, on le cingle de cette apostrophe : « Ceux que tu as servis sont donc bien ingrats qu’ils ne peuvent rassasier ta faim après t’avoir usé pour leur gloire ? »

Bien qu’ils soient traités aussi odieusement, et que, malgré leurs qualités guerrières, ils ne puissent dépasser, dans notre armée, le grade de lieutenant, les Arabes sont, quand l’épreuve fond sur nous, toujours prêts à partager nos périls. En 1870, ils nous ont offert leur dévouement, leur sang et leur argent ; les bureaux Arabes leur ont insolemment répondu que la France n’avait pas besoin d’eux pour chasser l’ennemi.