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Le Docteur Jekyll était penché sur son microscope.

Le Docteur JEKYLL et Monsieur HYDE
Film Paramount
Docteur Jekyll 
M. Hyde 
John Barrymore.
Docteur Richard Lanyon 
Charles Lane.
John Utterson 
J. Malcolm Dunn.
Maud Carew 
Martha Mansfield.
La Dolorès 
Nita Naldi.
Lord Carew 
Brandon Hurst.

I



Dans son laboratoire, le Dr Jekyll était, comme à son habitude, penché sur son microscope. Et tout en faisant ses observations, il poursuivait, avec son excellent ami et confrère, Richard Lanyon, qui venait souvent le surprendre au milieu de ses travaux, la discussion à laquelle les ramenait toujours l’opposition, dans le domaine de la science, de leurs conceptions et de leurs théories.

— Utopies ! mon cher Jekyll, disait à ce moment le Dr Lanyon, dangereuses utopies ! L’expérience même le démontre.

— Et que prouve l’expérience en cela ? ripostait vivement son ami en abandonnant un moment ses appareils. Parce que la science n’a pas encore osé aborder certains problèmes, est-ce une raison pour qu’il faille, a priori, les tenir pour insolubles ? Ce serait la négation de toute possibilité de progrès et nous n’en sommes heureusement plus, — en 1848, au beau milieu de ce dix-neuvième siècle qui a vu éclore déjà tant de merveilleuses découvertes — au temps où un Galilée était considéré comme un sorcier.

— D’accord, mon cher ami : le champ qui s’ouvre encore devant les investigations de la science est-il limité : — mais vos recherches, vos rêveries, ne sont pas de son domaine.

— Pourquoi, Lanyon ? Pourquoi, à ce domaine, prétendez-vous assigner des limites arbitraires ? Nous enregistrons les progrès que lentement réalise la science pour soulager les misères physiques de l’humanité et nous ne désespérons pas que le moment ne vienne, longtemps après nous, où la médecine aura vaincu, supprimé la maladie… Mais il y a d’autres misères que celles du corps : celles de l’âme sont pires parfois, pourquoi ne pas admettre que la science puisse arriver aussi, quelque jour, à les soulager ? Nous redressons un membre déformé : pourquoi ne redresserions-nous pas (j’entends scientifiquement et sûrement et non par des influences morales d’éducation et de milieu) un instinct pervers ? La science doit trouver le remède merveilleux qui séparera ce qu’en toute âme humaine il y a de mauvais d’avec ce qu’il s’y trouve de bon, et qui combattra et tuera l’élément pervers plus sûrement que notre quinine ne combat et ne terrasse la fièvre. Songez-vous, Lanyon, à ce que sera alors l’humanité ?

Celui-ci frappa amicalement sur l’épaule du son confrère.

— Faites attention, cher ami, vous tombez maintenant dans le surnaturel et vous vous égarez. Croyez-moi, tenez-vous-en à la science positive ; tout le reste est vide de sens, décevant, et bien périlleux parfois. Voici l’heure de vous rendre à votre dispensaire : contentez-vous de tout le bien que vous y faites journellement et ne rêvez pas à transformer l’humanité. Vous dînez ce soir chez lord Carew ? Nous nous y retrouverons.


Après des études brillantes. Frank Jekyll, héritier d’une grosse fortune, doué d’une vaste intelligence, s’était voué tout entier au noble but de se rendre utile à son prochain, et son esprit, avide de science, était toujours à l’affût des découvertes susceptibles d’améliorer le sort de l’humanité. À peine âgé de trente ans, il s’était déjà fait un nom par la publication d’ouvrages qui avaient eu un grand retentissement, par ses communications, à l’Académie de médecine, de mémoires qui avaient bouleversé nombre d’opinions communément admises jusque-là. Il ne s’ouvrait cependant qu’à son ami Lanyon de son rêve d’aiguiller la science dans une voie étrange et toute nouvelle.

Sa généreuse activité ne se bornait d’ailleurs pas à ses recherches acharnées : il l’appliquait aussi, journellement, à donner ses soins à tous les malheureux qui venaient lui demander le soulagement de leurs maux. Il avait consacré une partie de sa fortune à