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MÉMOIRES D’AUBIGNÉ

autres fois viconte de Turaine, en la place des grands, cestui-ci voulant emporter plus de gloire que les grands hommes d’Estat qui traictoyent à Chastellerault, fit des grandes propositions à l’exaltation de la puissance souveraine et au rabais du parti ; sur quoy Aubigné voyant que six, qui oppinoyent avant luy, avoyent grandement rabaissé leur ton, il prit le sien plus haut que de coustume. Le Fresne Canaye se leva au milieu de son discours, s’escriant : « Est-ce ainsi qu’on traicte le service du roy ? » Celuy qui parloit repart, disant : a Qui estes vous, qui nous voulez enseigner que c’est que du service du roy, lequel nous avons eu en main avant que vous fussiez escolier ? Esperez-vous parvenir pour faire chocquer le service du roy et de Dieu l’un contre l’autre ? Apprenez à ne rompre point les voix, et à vous taire quand il faut. » Ils vindrent à de grandes aigreurs ; et, comme le Fresne s’escria : « Où sommes nous ? » L’autre respondit : « Ubi mures ferrum rodant. » — Cela releva les advis de l’assemblée bien à propos, estant lors question des seuretés.

Ce président mal respecté fit mal les affaires d’Aubigné prés du roy ; et, comme le duc de Bouillon voulut remonstrer qu’il falloit révérer un tel magistrat : « Ouy, dit Aubigné, qui s’en va révolter » ; ce que l’autre fit dans trois mois. Enfin toutes les aigreurs et duretez de l’assemblée luy