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AUX LECTEURS.

de doctrines desmeslez entre ses amis, le troisiesme de poincts théologaux, le quatriesme d’affaires de la guerre, le cinquiesme d’affaires d’Estat. Mais tout cela attendra l’edition de l’Histoire, en laquelle c’est chose merveilleuse qu’un esprit igné et violent de son naturel ne se soit monstré en aucun point partisan, ait escript sans loüanges et blasmes, fidelle tesmoing et jamais juge, se contentant de satisfaire à la question du faict sans toucher à celle du droict.

La liberté de ses autres escrits a faict dire à ses ennemis qu’il affectoit plus le gouvernement aristocraticque que monarchicque, de quoy il fut accusé envers le Roy Henry quatriesme, estant lors Roy de Navarre. Ce Prince, qui avoit des-ja leu tous les Tragicques plusieurs fois, les voulut faire lire encores pour justifier ces accusations, et, n’y aiant rien trouvé que supportable, pourtant, pour en estre plus satisfaict, appella un jour nostre Autheur en présence des sieurs du Fay et du Pin, lesquels discouroient avec luy sur les diversitez des estats. Nostre autheur, interrogé promptement quelle estoit de toutes administrations la meilleure, respondit que c’estoit la monarchicque, selon son institution entre les François, et qu’après celle des François il estimoit le mieux celle de Pologne. Pressé davantage sur celle des François, il répliqua : « Je me tiens du tout à ce qu’en dit du Haillan, et tiens pour injuste ce qui en a esté changé, quand ce ne seroit que la submission aux Papes. Philippes le Bel estoit souverain et brave, mais il est difficille que qui subit le joug d’autruy puisse donner à ses subjects un joug supportable. » J’ay voulu alleguer ces choses pour justifier ses escripts, esquels vous verrez plusieurs choses contre la tyrannie, nulle contre la Royauté ; et de faict ses labeurs, ses perils et ses playes, ont justifié son amour envers son Roy. Pour