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JUGEMENT. p.313 Leurs corps n’estans parfaicts ou deffaicts en viellesse : Sur quoy, la plus hardie ou plus haute sagesse Ose presupposer que la perfection Veut en l’age parfaict son élévation, Et la marquent au poinct des trente-trois années Qui estoient en Jésus closes et terminées Quand il quitta la terre et changea, glorieux, La croix et le sepulchre au tribunal des deux. Venons de cette douce et pieuse pensée A celle qui nous est aux saincts escrits laissée. Voici le filz de l’homme et du grand Dieu le fils, Le voicy arrivé à son terme prefix. Des-jà l’air retentit et la trompette sonne, Le bon prend asseurance et le meschant s’estonne ; Les vivants sont saisis d’un feu de mouvement, Ils sentent mort et vie en un prompt changement ; En une période ils sentent leurs extrêmes, Ils ne se trouvent plus eux-mesmes comme eux-mesmes . Une autre volonté et un autre sçavoir Leur arrache des yeux le plaisir de se voir ; Le ciel ravit leurs yeux : du ciel premier l’usage N’eust peu du nouveau ciel porter le beau visage. L’autre ciel, l’autre terre ont cependant fuy ; Tout ce qui fut mortel se perd esvanouy. Les fleuves sont seiche^, la grand mer se desrobe : Ilfalloit que la terre allast changer de robbe. Montagnes, vous sente^ douleurs d’enfantements, Vous fuyez comme agneaux, ô simples éléments ! Cachez-vous, change^-vousj rien mortel ne supporte La voix de l'Eternel, ni sa voix rude et forte. Dieu paroist ; le nuage d’entre luy et nos yeux S’est tiré à l’escart, il est armé de feux :