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Plus de frisons tortus des-honorent les testes
De nos mignons parez, plus de fard sur leurs teincts
Que ne voudroient porter les honteuses putains :
On invente tousjours quelque traict plus habile
Pour effacer du front quelque marque virile ;
Envieux de la femme, on trace, on vient souiller,
Tout ce qui est humain, qu’on ne peut despouiller.
Les cœurs des vertueux à ces regards transissent,
Les vieillards advisez en leur secret gémissent.
Des femmes les mestiers quittez et mesprisez
Se font pour parvenir des hommes desguisez.
On dit qu’il faut couler les execrables choses
Dans le puits de l’oubly et au sepulchre encloses,
Et que par les escrits le mal resuscité
Infectera les mœurs de la postérité :
Mais le vice n’a point pour mere la science,
Et la vertu n’est point fille de l’ignorance.
Elle est le chaud fumier sans qui les ords pechez
S’engraissent en croissant, s’ils ne sont arrachez,
Et l’acier des vertus mesme intellectuelles
Tranche et destruit l’erreur et l’histoire par elles.
Mieux vaut à descouvert monstrer l’infection
Avec sa puanteur, et sa punition.
Le bon père affriquain sagement nous enseigne
Qu’il faut que les Tyrans de tout poinct on depeigne,
Montrer combien impurs sont ceux-là qui de Dieu
Condamnent la famille au couteau et au feu.
Au fil de ces fureurs ma fureur se consume,
Je laisse ce subject, ma main quitte la plume,
Mon cœur s’estonne en soy ; mon sourcil refrongné,
L’esprit de son subject se retire eslongné :
Icy je vay laver ce papier de mes larmes ;