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Préface. VII

gloires élevées et singulières. Il vouloit être un grand homme, et il avoit lu dans les anciens par quelles actions on gagne la renommée. En même temps, la écriture de son esprit et une certaine délicatesse na- turelle de sentiments doanoient a ses mauvaises pas- sions un raffinement qui tournoit au profit de l’huma- nité. Au lieu de casser la tête à un ennemi renversé, il le forçout à renier son symbole religieux, trouvant la vengeance plus complète à le déshonorer qu’à le tuer, S’il se montra souvent humain et généreux sur les champs de bataille , en revanche il étoit impitoyable dans les discussions politiques et théologiques. Il y porta une violence haineuse qui depuis n’a guère été surpassée. Toutes armes lui paraissent bonnes con- tre ses adversaires , jusqu’à la plus noire où même la plus absurde calomnie , car dans sa fureur il perd le tact et la mesure. Il a beau se targuer de sa che- valerie , il ne traitera pas mieux les dames que les hommes ; mais c’est surtout contre les renégats de son parti qu’il est implacable. Un huguenot converti est ’ à ses yeux un monstre coupable de tous les crimes, et il en aurait inventé, au besoin, si le déchaînement du vulgaire lui eût laissé le mérite de ces tristes menson- ges. Permis à ceux que la religion ou la politique n’a jamais entraînés dans une polémique furibonde de taxer d’Àubigné de méchanceté ou de mauvaise foi ; lui, du moins, ne répondoit pas seulement à des libelles, mais à des assassinats et à des massacres. Chose étrange ! cet homme si plein de fiel est peut-être , parmi les écrivains de son siècle , celui