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II[1]

PUISQUE le cors blessé, mollement estendu
Sur un lit qui se courbe aux malheurs qu’il suporte[2]
Me faict venir au ronge et gouster mes douleurs,
Mes membres, jouissez du repos prétendu.
Tandis l’esprit lassé d’une douleur plus forte
Esgalle au corps bruslant ses ardentes chaleurs.

Le corps vaincu se rend, et lassé de souffrir
Ouvre au dard de la mort sa tremblante poitrine,
Estallant sur un lit ses misérables os,
Et l’esprit, qui ne peut pour endurer mourir,
Dont le feu violent jamais ne se termine.
N’a moyen de trouver un lit pour son repos.

Les médecins fascheux jugent diversement
De la fin de ma vie et de l’ardente flamme
Qui mesme fait le cors pour mon ame souffrir.
Mais qui pourroit juger de l’éternel torment
Qui me presse d’ailleurs ? Je sçay bien que mon ame
N’a point de médecins qui la peussent guérir.

Mes yeux enflez de pleurs regardent mes rideaux
Cramoisis[3], esclatans du jour d’une fenestre
Qui m’offusque la veuë, et faict cliner les yeux,

  1. Cf. Ms. Tronchin viii, fol. 47 v. — Ms. Monmerqué, p. 163.
  2. Var. Ms. Monmerqué : Sur un lit malheureux des malheurs
    qu’il supporte.
  3. Var. Ms. Tronchin : Cramoisyr.