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LE PRINTEMPS

J’ouvre mon estommach, unie tombe sanglante
De maux ensevelis : pour Dieu ! tourne tes yeux,
Diane, et voy’ au fond mon cueur party en deux
Et mes poumons gravez d’une ardeur violente,

Voy’ mon sang escumeux, tout noircy par la flamme,
Mes os secs de langueurs en pitoyable point
Mais considère aussi ce que tu ne vois point,
Le reste (i) des malheurs qui saccagent mon ame.

Tu me brusl’s et au four de ma flam’ meurtrière (2)
Tu chauffes ta froideur : tes délicates mains
Atizent mon brazier (3), et tes yeux inhumains
Pleurent, non de pitié, mais flambantz de cholere.

A ce feu dévorant de ton yre alumée (4)
Ton oeil enflé gemist, tu pleures à ma mort.
Mais ce n’est pas mon mal qui te deplaist si fort :
Rien n’attendrit tes yeux que mon aigre fumée.

Au moins après ma fin que ton ame apaisée
Bruslant le cueur, le cors, hostie à ton courroux.
Prenne sur mon esprit un suplice plus doux,
Estant d’yre en ma vie en un coup espuisée.

(i) Variante. Ms. Tronchin : Les restes des malheurs. (2) Var. Ms. Monmerqué : Tu me hrusles et au feu de ion yre alumée. (3) Var. Ms. Monmerqué : Tu chauffes ta froideur et de tes blanches mains Tu atixes le feu,., (4) Var. Ms. Monmerqué : %Ainsi au feu cruel de ton yre alumée.