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Qui pourrait peindre cette malédiction de Dieu incarnée ? Personne… Essayons au moins d’en donner une faible esquisse. Cet homme était d’une taille et d’une force prodigieuses : il eût été bien proportionné sans son immense poitrine ; son front était large et proéminent ; deux sourcils épais couvraient deux os d’une grandeur démesurée, sous lesquels étaient ensevelis, dans leur orbite creux, ses yeux sombres et étincelants. Son nez aquilin couvrait une bouche bien fendue, sur laquelle errait sans cesse un sourire de bagne, ce sourire qu’on ne voit guère que sur le banc des prévenus, qui les abandonne dès qu’ils entrent au cachot, et qu’ils reprennent lorsque les prisons les revomissent au sein de la société. Deux protubérances, qu’il avait derrière les oreilles, l’auraient fait condamner sans témoins par un juge phrénologiste. Ses manières, quoique engageantes, inspiraient la défiance ; et l’enfance même, qu’il cherchait à captiver, s’enfuyait à sa vue.