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sur ta maudite carcasse, pour raccommoder mes souliers. Et quant à toi, me répondit Pelchat, le diable n’en laissera pas assez sur la tienne pour en faire la babiche. Ma rage était à son comble ! Je saisis un caillou, que je lançai avec tant de force et d’adresse, malgré l’éloignement de la terre, qu’il frappa à la tête le malheureux Pelchat et l’étendit, sans connaissance, dans la chaloupe. Il l’a tué ! s’écrièrent ses trois autres compagnons, un seul lui portant secours tandis que les deux autres fesaient force de rames pour aborder la goélette. Je crus, en effet, l’avoir tué, et je ne cherchai qu’à me cacher dans le bois, si la chaloupe revenait à terre ; mais une demi-heure après, qui me parut un siècle, je vis la goélette mettre toutes ses voiles et disparaître. Pelchat n’en mourut pourtant pas subitement, il languit pendant trois années, et rendit le dernier soupir en pardonnant à son meurtrier. Puisse Dieu me pardonner, au jour du jugement, comme ce bon jeune homme le fit alors.

Un peu rassuré, par le départ de la goélette, sur les suites de ma brutalité ; car je réfléchissais que si j’eusse tué ou blessé Pelchat mortellement, on serait venu me saisir, je m’acheminai vers ma nouvelle demeure. C’était une cabane d’environ vingt pieds carrés, sans autre lumière qu’un carreau de vitre au sud-ouest, deux petits tambours y étaient adossés ; en sorte que cette cabane avait trois portes. Quinze lits, ou plutôt grabats, étaient rangés autour de la pièce principale. Je