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vieillard le remercia d’une voix émue, et avala d’un seul trait le verre qui lui était présenté. Le maître des cérémonies versa alors à boire, à la ronde, à toute la compagnie qui passa ensuite dans la pièce voisine, où un souper, composé de mouton, de laitage et de crêpes au sucre, était préparé. Si le Rapin qui imagina de faire dire à un gros anglais, au pauvre qui lui dit qu’il n’a pas mangé depuis la veille : « Goddam, le coquin, il être bien heureux d’avoir faim, » avait vu ces bonnes gens manger, il aurait assurément transporté son milord goutteux et envieux dans la salle du festin, et lui aurait fait dire au pluriel : « Goddam, les coquins, ils être bien heureux d’avoir faim. » Pour me servir de l’expression du vieillard qui présidait à la fête : ils pouvaient manger les pauvres gens ; ils ne volaient pas leur nourriture. Le repas fini, la caraffe d’eau-de-vie commença à circuler, et le jeune homme qui avait présenté la gerbe demanda à son père de leur chanter une chanson.

— Assurément qu’oui, mes enfans ; je ne vous refuserai pas cela aujourd’hui, et je vais vous en chanter une drôle aussi. Et le vieillard commença aussitôt, la chanson suivante :

Il y a pas sept ans que je suis parti
De la Nouvelle-France ;
La nouvelle m’est arrivée,
    Tra la la la,
Que ma maîtresse était fiancée.