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citude, mais il essaya en vain de fermer la paupière ; car si l’inquiétude l’avait empêché de dormir jadis, la joie qu’il éprouvait dans le moment lui faisait le même effet. Il entendit avec impatience la pendule sonner toutes les heures de la nuit et à trois il sauta hors de son lit, s’habilla à la hâte, souhaita le bonjour à ses hôtes et se mit en route. Le chemin que prit notre héros pour se rendre à St.-Jean Port-Joli, n’était pas alors macadamisé et le sol qui était extrêmement noir devenait boueux dans la saison des pluies. Amand avançait donc avec peine, suivant autant que possible, le long des clôtures et glissant presqu’à chaque pas. Néanmoins, après une marche pénible de quatre heures, il arriva dans la paroisse de Beaumont, au bas d’une colline connue sous le nom de côte à Nollet. Au pied de cette côte, à un demi arpent de la voie publique, dans un endroit renfoncé, est une petite chaumière presqu’en ruines : c’est la demeure de la vieille Nollet qui a donné son nom au côteau dont nous parlons. La femme Nollet se mêlait aussi de nécromancie et passait généralement, dans l’esprit des habitans, pour la plus grande sorcière du Canada. Si mon lecteur croyait que cette fée ressemblait à la fée aux miettes de Charles Nodier il se tromperait fort, car l’amante de Michel, hormis les dents, n’avait rien de repoussant ; tout dans celle-ci, au contraire, était ignoble : recourbée sur elle-même et traînant avec peine ses soixante-et-quinze années, lorsqu’elle vous re-