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près de sa victime. Beaucoup affirmaient que le sang coulerait immédiatement de ses blessures dès qu’il se trouverait en présence du corps.

Le bruit de plusieurs voitures captiva un moment l’attention de l’assemblée : Le voilà, se dirent-ils, et la porte s’ouvrant, on découvrit la haute taille et les traits sévères de Lepage. Il s’avança près du corps, se baissa et prit, avec peine, (car ses liens le gênaient,) la branche de sapin et jeta quelques gouttes d’eau bénite sur le cadavre ; puis, s’avança jusqu’à la tête et ayant levé le drap qui lui couvrait le visage, il s’écria : — Ah ! c’est bien lui, c’est toi, mon cher ami ! et l’on m’accuse de t’avoir ôté la vie ! Si c’est moi qui ai pu commettre un crime aussi atroce ; je demande à Dieu de m’écraser de sa foudre à l’instant ! Puis il promena son grand œil noir sur l’assemblée et l’arrêta sur le magistrat pour le défier et comme s’il eût voulu lui dire : — Tu croyais peut-être m’émouvoir et que mes nerfs me trahiraient dans une telle entrevue : Mais regarde comme je suis calme !

C’est bien là Guillemette, dit le magistrat ?

— Oui c’est bien là mon ami, qui a couché chez moi, avant-hier, et qui est parti à la pointe du jour. Ah ! je ne m’attendais pas à le revoir ainsi ; pauvre ami ! Lepage se tut de nouveau. Le magistrat ordonna aussitôt de le faire retirer et reconduire chez lui. Après son départ les commères assurèrent qu’à son entrée le sang avait coulé et que ce devait être lui qui l’avait