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sur un coffre, au pied d’un lit, priait avec ferveur ; d’une main elle tenait un chapelet, et de l’autre se frappait fréquemment la poitrine. Elle s’arrêta tout-à-coup, et fit signe à Rose qu’elle voulait lui parler.

Écoute, ma fille, lui dit-elle ; c’est bien mal à toi d’abandonner le bon Gabriel, ton fiancé, pour ce Monsieur — Il y a quelque chose qui ne va pas bien ; car chaque fois que je prononce les saints noms de Jésus et de Marie, il jette sur moi des regards de fureur — Vois comme il vient de nous regarder avec des yeux enflammés de colère.

— Allons, tantante, dit Rose, roulez votre chapelet, et laissez les gens du monde s’amuser.

— Que vous a dit cette vieille radoteuse, dit l’étranger ?

— Bah, dit Rose, vous savez que les anciennes prêchent toujours les jeunes.

Minuit sonna et le maître du logis voulut alors faire cesser la danse, observant : qu’il était peu convenable de danser sur le Mercredi des Cendres.

— Encore une petite danse, dit l’étranger — Oh ! oui, mon cher père, dit Rose ; et la danse continua.

— Vous m’avez promis, belle Rose, dit l’inconnu, d’être à moi toute la veillée : pourquoi ne seriez-vous pas à moi pour toujours ?

— Finissez donc, Monsieur, ce n’est pas bien à vous de vous moquer d’une pauvre fille d’habitant comme moi, répliqua Rose.