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d’honneur nous faire, avait dit Latulipe, dégrayez-vous, s’il vous plaît — nous allons faire dételer votre cheval. L’étranger s’y refusa absolument — sous prétexte qu’il ne resterait qu’une demi-heure, étant très-pressé. Il ôta cependant un superbe capot de chat sauvage et parut habillé en velours noir et galonné sur tous les sens. Il garda ses gants dans ses mains, et demanda permission de garder aussi son casque ; se plaignant du mal-de-tête.

— Monsieur prendrait bien un coup d’eau-de-vie, dit Latulipe en lui présentant un verre. L’inconnu fit une grimace infernale en l’avalant ; car Latulipe, ayant manqué de bouteilles, avait vidé l’eau bénite de celle qu’il tenait à la main, et l’avait remplie de cette liqueur. C’était bien mal au moins — Il était beau cet étranger, si ce n’est qu’il était très-brun et avait quelque chose de sournois dans les yeux. Il s’avança vers Rose, lui prit les deux mains et lui dit : J’espère ma belle demoiselle, que vous serez à moi ce soir et que nous danserons toujours ensemble.

Certainement, dit Rose, à demi-voix ; et en jetant un coup-d’œil timide sur le pauvre Lepard, qui se mordit les lèvres à en faire sortir le sang.

L’inconnu n’abandonna pas Rose du reste de la soirée, en sorte que le pauvre Gabriel renfrogné dans un coin ne paraissait pas manger son avoine de trop bon appétit.

Dans un petit cabinet qui donnait sur la chambre de bal était une vieille et sainte femme qui, assise