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Jugement dernier. Tous les regards se tournèrent vers Lepage qui paraissait insensible à qui se passait autour de lui, sur la terre et dans les cieux.

— Il dort, dit St. Céran, il dort paisiblement tandis que l’ange vengeur plane au-dessus de lui et semble exciter la fureur des élémens.

— C’est plutôt le diable, dit François Rigaud qui se réjouit d’avance de la bonne prise qu’il va faire ; je suis certain qu’il y aura fête, pendant quinze jours, à son arrivée au pays de Satan.

— Paix ! dit St. Céran, paix ! mon cher François ; ceci n’est point matière à badinage, et le malheureux, teint du sang de son frère, doit inspirer une pitié mêlée d’horreur plutôt que des plaisanteries.

— Mr. St. Céran a raison, dit Joseph Bérubé, laissons le diable tranquille ; pour moi je n’aime pas à en parler dans cette maison, et par le tems qu’il fait.

— As-tu peur qu’il nous rende visite ? dit François, d’un air goguenard.

— Eh ! Eh ! je n’en sais trop rien, dit le vieux voyageur, il a visité des maisons où il semblait avoir moins de droits qu’ici. —

— Racontez-nous cela, père Ducros, dit St. Céran, qui n’était pas fâché, comme tous les jeunes gens, d’entendre une légende, et qui d’ailleurs voulait mettre fin aux plaisanteries de François.