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Ayant déposé silencieusement le cadavre sur une planche, ils prirent le chemin de la maison accompagnés de la femme et des domestiques qui suivaient en pleurant : car c’était une émotion violente pour des âmes vierges qui n’avaient jamais eu occasion d’aller se blaser même sur l’idée de la mort, dans nos théâtres. Pauvres créatures ! elles n’auraient pas versé de larmes si elles avaient eu l’avantage immense, dont nous avons su si bien profiter, celui d’ensevelir leur sensibilité sous le rideau qui termine un des Drames de Victor Hugo ou d’Alexandre Dumas.

Le corps fut déposé dans le plus bel appartement de la maison sur deux planches appuyées à chaque bout sur des chaises, puis recouvert d’un drap blanc. Deux cierges, une soucoupe d’eau bénite avec un rameau de sapin vert, furent posés à ses pieds et le père accompagné de sa famille récitèrent à haute voix les prières des morts.

St. Céran, après leur avoir recommandé le secret sur cet événement (secret qui fut gardé jusqu’à-ce qu’ils purent se rendre chez leurs voisins) alla trouver un magistrat respectable du lieu et lui communiqua ce qu’il savait ; ajoutant qu’il était prêt à prêter le serment voulu : Qu’en son âme et conscience il croyait Lepage, l’auteur du meurtre. Toutes les formalités remplies, il ne restait plus qu’à exécuter l’ordre d’arrestation, chose d’autant moins facile qu’ils connaissaient tous deux le caractère désespéré de ce dernier. Après avoir consulté un homme de loi très