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son front était large et proéminent et deux sourcils épais couvraient deux os d’une grandeur démesurée sous lesquels étaient ensevelis, dans leur orbite creux, ses yeux sombres et étincelans. Son nez aquilin couvrait une bouche bien fendue sur laquelle errait sans cesse un sourire de bagne, ce sourire qu’on ne voit guère que sur le siège des prévenus, qui les abandonne dès qu’ils entrent au cachot et qu’ils reprennent lorsque les prisons les revomissent au sein de la société. Deux protubérances qu’il avait derrière les oreilles l’auraient fait condamner sans témoins par un juge phrénologiste. Ses manières, quoiqu’engageantes, inspiraient la défiance ; et l’enfance même qu’il cherchait à capturer s’enfuyait à sa vue.

Il était assis sur le seuil de sa porte, vêtu d’une longue robe de chambre, le 6 Septembre 182— lorsqu’un colporteur s’approcha de lui pour lui demander s’il desirait acheter quelques marchandises. Il se leva aussitôt et le pria d’entrer, après l’avoir fait asseoir et invité à se rafraîchir ; il l’engagea, vu que le soleil était bientôt près de se coucher, à passer la nuit chez lui. Le jeune homme, qui s’appelait Guillemette, refusa d’abord ; mais celui-ci ayant fait observer qu’il y avait beaucoup de chasse aux environs et lui ayant offert un fusil, il se décida à rester et accepta ses offres. Il prit le fusil et sortit accompagné de son hôte. Ils aperçurent un jeune homme, en habit de voyageur, qui venait à eux et qui s’arrêta lorsqu’il les eut joints.