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ter chez vous, homme faible et pusillanime. Pourquoi faut-il que ma malheureuse destinée m’ait fait jeter les yeux sur vous, au préjudice d’une centaine d’hommes (et il appuya sur ce mot) qui auraient pris votre place avec tant de joie !

— Je n’ai point de reliques, mais j’ai une conscience pure et je remercie Dieu qu’il m’ait donné assez de force pour ne pas suivre tes conseils pernicieux. Je ne suis pas un voleur ! — J’ai acheté la poule noire ! Et sans attendre aucune réponse il se mit à remonter le flanc de la montagne.

— Que le Diable puisse te rendre tout le mal que tu me fais ! lui cria notre héros, sans bouger de sa place.

Dès qu’il fut seul il s’assit et demeura plongé dans un profond abattement qui dura près d’une heure, puis s’était levé tout-à-coup : — Plus de confiance dans les hommes désormais, s’écria-t-il. Je ne me fierai plus qu’à moi-même. Je vais me procurer une Main-de-Gloire et la véritable chandelle magique,[1] aussitôt que possible, et alors : qui pourra me tromper ? Cette pensée parut le fortifier, il regarda tristement le lac et reprit lentement le chemin de sa chaumière, non sans laisser échapper quelques soupirs en songeant à la mauvaise fortune qui le poursuivait.

  1. La main-de-gloire est une main de pendu desséchée, avec laquelle on peut pénétrer où l’on veut ; et la chandelle magique est composée de sa graisse fondue avec du cierge paschal. Un homme qui se promène la nuit, avec ce flambeau, doit trouver un trésor à l’endroit où elle s’éteint.