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et quelques gouttes de pluie poussées par l’orage suintaient au travers des planches, mal jointes, de son toit. Le tonnerre se faisait entendre au loin. Tout présageait une nuit horrible. Amand avait froid. Dans l’enthousiasme de son zèle, pour s’assurer de son compagnon irrésolu, il avait oublié d’alimenter son feu qui se trouvait maintenant éteint. Il fit inutilement tous ses efforts pour le rallumer ; enfin, accablé de fatigue, il se dépouilla de ses vêtements et se mit au lit. Il s’endormit facilement ; car depuis longtems il avait pour habitude de ne prendre que deux heures de sommeil par nuit. Heureux momens où son âme s’élança dans ce monde idéal pour lequel il était né ! Que n’aurait pas fait cet homme si son imagination fertile eût été fécondée par l’éducation ?

Cette nuit il eut un songe :[1] il lui sembla être près de l’astre du jour, qui d’un côté lui présentait un vaste jardin au milieu duquel, sur un trône, était assis un esprit céleste qui l’excitait du geste et de la voix à le rejoindre. Amand, enivré de joie, s’élançait vers lui et celui-ci lui faisait place à ses côtés et lui disait : « Sans nul secours, tu t’es frayé un chemin au travers du sentier rude et épineux de la science, tu as pénétré dans les secrets les plus profonds de la nature, tu as approfondi des mystères que le vulgaire regarde de l’œil de l’indifférence, les difficultés ne t’ont pas rebuté : pas même la dérision

  1. Il l’a raconté lui-même à l’auteur.