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deux, nous le sommes ; mais crois-tu que je vais courir tous les risques et puis ensuite partager avec toi ? Il faudrait être fou ! J’aimerais autant tout garder moi-même.

— Écoute, Charles, tu connais Mr. B *** ; te rappelles-tu comme il s’est moqué de nous, quand tu lui as parlé de ton projet ?

— D’accord ; mais écoute à ton tour : cet homme est riche, n’est-ce pas ? N’est-il pas de son intérêt de nous cacher les moyens par lesquels il est parvenu à la fortune ? Tu sais qu’il a tous les livres du monde, excepté un ?[1] — Oui — Eh bien pourquoi a-t-il refusé de me les prêter ? C’est qu’il craignait que je ne fisse comme lui. Comme je puis me fier à toi, je vais te confier un secret : Tu connais cette petite rivière qui serpente derrière son domaine. Je l’ai vu, moi-même, de mes yeux, à minuit, avec son fils, tous deux occupés à conjurer des esprits de l’autre monde. J’avais le cœur faible alors. Aussi je m’éloignai. Si je pouvais retrouver une aussi bonne occasion de m’instruire je t’assure que je ne la perdrais pas à présent.

— Je consens, dit Dupont.

— Touche-la, dit Amand ; à demain, vers minuit. Et les deux amis se séparèrent.

La nuit était sombre, le vent faisait trembler la chaumière, mal assurée sur ses fondements,

  1. Beaucoup de Canadiens ont cette croyance : qu’un homme peut posséder tous les livres du monde, excepté un.