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n’avions pas la manie de nous comparer aux autres peuples, ni l’angoisse de nous inquiéter de leurs jugements. Inutile de chercher à amasser de grosses fortunes, car le shôgun désirait niveler les conditions ; on accomplissait ses volontés en ne s’occupant pas de politique, en se retirant jeune du monde et des affaires, pour s’amuser. Chacun restait dans sa classe et, dans sa classe, ne cherchait point à s’élever : on avait peu de mérite à se résigner ainsi, car les oppositions de classes n’étaient pas nettes ni provocantes comme aujourd’hui qu’il y a des riches et des gens très pauvres. Tout le monde avait à peu près mêmes manières, mêmes goûts, mêmes divertissements, même idéal de vie. Les vieux en abandonnant leurs biens étaient sûrs que leurs enfants les soigneraient et ne leur reprocheraient pas une vieillesse trop robuste. Les jeunes aussi étaient contents, on leur faisait place. Affaires publiques, affaires privées étaient toujours menées par des énergies neuves. C’est ainsi que sur toute notre histoire japonaise, règne un optimisme confiant. Dirigés par des jeunes, nous avons su sacrifier le passé quand il nous entravait ; une expérience trop chargée, trop prudente, ne nous a jamais détournés d’expériences inédites.

« Mais maintenant que la morale familiale est moins forte, les appétits individuels plus hardis, plus ambitieux, la condition des vieux est moins bonne, l’état d’inkyo moins sûr. Le gouvernement ne le favorise pas et l’exemple ne vient plus d’en haut comme autrefois. Le mikado actuel, bien qu’il ait cinquante-quatre