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Se retirer des affaires à quarante ans reste encore le rêve de tout Japonais. Je me souviens d’un industriel important, très européanisé par un séjour de huit années en France. Il avait fondé des usines. En lui, les méthodes d’affaires à l’américaine avaient développé l’habitude de songer à l’avenir, l’ambition de posséder pour jouir et agir. Il représentait bien la classe des nouveaux riches d’Osaka, et déclarait avec orgueil que la guerre victorieuse ferait avancer le Japon d’un siècle.

Par moments, tout de même, il se prenait à regretter le vieux temps. Comme ses ancêtres il aurait bien voulu jouir largement de la vie ; à quarante ans, il parlait déjà de sa vieillesse et raillait la manie nouvelle, étrangère, si peu japonaise, de capitaliser de l’argent et des joies pour plus tard. Mais il ne pouvait se retirer des affaires, il devait rester pour diriger ses usines qu’il avait montées avec un matériel européen ; trop peu de gens encore avaient la compétence pour le remplacer. Parfois tout de même, il s’échappait pour courir aux ventes et bibeloter : il avait déjà réuni une collection de grès et de kakémonos. Aussi souvent qu’il pouvait, il quittait Osaka pour sa maison de Kyôto, retraite cachée en plein Japon d’autrefois.

— « Comme tout était plus simple alors ! disait-il. Nous n’étions pas troublés, dans nos îles écartées, par le désir d’imiter Européens ou Américains : nous