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Tous ces oisifs, non bousculés par la vie, de génération en génération, sont demeurés les conservateurs du goût pour l’ancien art classique, longtemps pleins de mépris pour les estampes de l’école populaire ; ils estimaient les bonnes manières, les formules et saluts cérémonieux et gardaient l’habitude de mêler des préoccupations littéraires à leurs émotions de nature et d’art. Ils ont formé ce public d’art incomparable que fut et qu’est encore le peuple japonais. Collectionneurs enthousiastes et soigneux de céramiques qui servaient aux cérémonies de thé, de kakémonos, de bronzes coréens et chinois, ils ont contribué à faire du Japon le musée de l’Asie et, comme patrons d’écrivains, ces hommes retirés du monde ont joué un grand rôle littéraire. C’est à la protection de daïmyos que l’on doit les recherches des Vagakouça ou savants en antiquités japonaises pour exhumer les vieux textes de légendes primitives, Ko-ji-ki, Nihon-Gi, dont l’influence devait être si grande, par leur réveil du shintoïsme et du patriotisme, sur le mouvement de restauration impériale de 1868. Protecteurs et amateurs oisifs aidèrent aussi au développement de l’art décoratif. Dans toutes les classes, c’était entre gens de même rang, entre supérieurs et inférieurs une habitude d’échanger des cadeaux en toute occasion : premier jour de l’an, fêtes de famille, mariages, maladies, incendies, départs, retours, réunions de thé ou assemblées poétiques. On patronnait des artistes, on leur commandait des grès, des bronzes et des laques.