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fin d’été ou d’automne, on se réunissait pour regarder la lune monter derrière les pins noirs et pour composer des vers. Quand on contemplait la lune d’automne et sa couleur de rouille, on l’imaginait boisée d’érables. En face, de l’autre côté de l’étang, dans une lanterne de pierre, on glissait une veilleuse. La lumière se reflétait sur l’eau ; dans le reflet vacillant, par moments passaient des lucioles, et les bêtes lumineuses paraissaient frémir, retenues par un mouvant fil d’or.

Quel étrange rêve vécurent ces esthètes devenus inkyo, dans ces jardins de Kyôto, et qu’ils sont loin des brahmes ou des bouddhistes inkyo à qui fut empruntée à travers l’Asie cette habitude de retraite et de détachement de la vie vers la quarantaine. Assis, « les jambes croisées, le corps droit, s’environnant le visage d’une pensée vigilante », goûtant dans le calme de son moi, loin de la douleur comme du plaisir, la cessation du périssable, l’Hindou, las de vivre, détaché de l’action, cherche la solitude absolue. En son climat de l’Inde qui déprime, hanté par le scrupule religieux, écrasé par le mur de l’Himalaya, bercé par la grande houle monotone de la jungle, purifié par l’eau du Gange, il adore et glorifie cette nature vierge, accablante par son énormité et son exubérance ; il l’aime dans ses orages, ses crues, ses cataclysmes ; en lui, hors de lui, l’énorme, l’illi-