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Partout des coins, des recoins, des trompe-l’œil : du lac et de la rivière, d’où qu’on les regarde, on ne voit jamais les deux bouts. Il n’est point de détail, en cette composition, qui ne soit choisi, voulu. Dans le silence chaud de cette fin d’automne, c’est une litanie de noms de pierres, d’arbres, de ponts, qu’un jeune bonze nous énumère d’une voix blanche. Telle pierre de forme rare, apportée d’un point éloigné de l’empire, est la pierre de la contemplation extatique ; tel ruisseau, la fontaine où se baigne la lune. Sans cesse, en cette œuvre d’art, des évocations de nature, des symboles d’abstractions. Une visite à ces jardins se passe, comme une pêche aux crabes, à soulever chaque pierre pour découvrir une intention.

De ce paysage construit, toutes les parties restent proportionnées à la taille et à l’œil humains. Vu de trop haut, le jardin perd son dessin, son relief ; tout s’y aplatit ; il faut être au niveau du lac pour goûter les proportions, la forme, le volume des pierres, des ponts, des arbres. Tout de même, le charme du site évoqué n’est point affaibli, tant l’imitation reste libre et respectueuse des proportions. Le paysage est là, entier, de même que la silhouette et la robustesse des plus gros arbres subsiste entière dans des arbres nains.

À mi-côte, enfoui en pleine verdure forestière, loin du monde, le jardin, enclos secret, est comme une clairière soigneusement aménagée pour la retraite méditative ; replié sur soi, on peut y rêver de prolongements infinis ; la vue se repose sur des rideaux