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alors au tempérament japonais, à ces déformations que leurs jardiniers infligent aux pins nains. Des nobles, abandonnant noms et titres, se rasèrent la tête, prirent la robe jaune du bonze et profitèrent de leur retraite pour suivre leurs goûts et se livrer aux plaisirs. Tels furent les esthètes qui, comme compagnons des shôguns et autres personnages de marque, développèrent les cérémonies de thé, conçurent le plan de la plupart des beaux jardins de Kyôto et contribuèrent au progrès des arts[1].

Alors au Japon, comme en Italie pendant la Renaissance, shôguns et tyrans, parvenus par leurs talents à supplanter princes, ducs ou mikados, donnèrent à la noblesse loisirs et occasions de se créer une vie d’insouciance et de plaisirs délicats. Sous le maître absolu les partis politiques chômaient. On n’avait pas le souci d’amasser de grandes richesses, qui auraient pu exciter l’envie du maître. À défaut de gloire et d’argent, restait la culture. En dépit des distinctions féodales de classes, sous le poids d’une autorité tyrannique, un nivellement se produisit dans les goûts qui, définis par une élite, se diffusèrent ; dans les manières des gens de toute classe, il y eut une ressemblance, un certain ton égalitaire. Les classes japonaises, au reste, n’avaient jamais été absolument fermées ; les conseils des grands daïmyos et du shôgun avaient toujours été ouverts à des

  1. Chamberlain. Bashô and the Japanese Epigram. Transactions of the Asiatic Society of Japan. Septembre 1902.