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tries modernes ; aucun nouveau riche ; mais de bonnes vieilles familles qui, malgré leurs pertes d’argent, ont gardé le goût des belles étoffes, des beaux laques, des beaux bibelots. Les petits boutiquiers, nuées de vrais flâneurs par les rues, n’hésitent jamais à s’arrêter pour causer, à se retourner pour regarder passer les lutteurs célèbres, paquets de graisse et de muscles, ou les précieuses, mignonnes et fluettes geishas et maïkos, lèvres rouges, cheveux noirs, vêtues de clair.

« Kyôto, ville de bonzes »… prêtres ou nonnes, le crâne rasé, en surplis jaunes, bruns, blancs ou verts, passent près des temples ; et des moines mendiants, sous un chapeau qui cache le visage, agitent leurs clochettes devant les maisons, tapent leurs enclumes, — demandes lancinantes d’aumônes. « Kyôto, ville de bouses… » dit encore le proverbe. Sous le trait, peu de chevaux, mais des buffles : sandales de paille aux pattes, un écran sur le dos contre le soleil, un anneau au travers du museau, ils vont, menés au bout d’une longe par des paysans qui cheminent, jupes retroussées, et ombrelles ouvertes ; parfois ils charrient de petits baquets d’engrais humain.

Nous sortons de la ville. Entre les montagnes cendrées de vapeurs la vallée est lumineuse. Sous le grand soleil, les rizières sont frisées et les bambous frisent aussi, qui par bouquets coupent les rizières. Diluées par les brumes qui en longues bandes prennent leur essor, les verdures s’attendrissent. La plaine est toute bruissante d’insectes, d’oiseaux, de