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Partout s’étale en images l’ambition de la Russie pieuvre qui, de ses tentacules et de ses ventouses, suce l’Asie, énorme araignée qui, de sa toile soyeuse, l’enserre ; sur son île, dans un coin de la carte, le petit Jap se dresse vengeur — tel saint Georges — contre l’énorme bête. Partout des scènes de guerre : malgré les shrapnels qui éclatent et les fils barbelés qui déchirent, les Japonais bien en ordre égorgent sur les glacis de Port-Arthur les Russes en pagaïe.

Gens de toutes sortes, femmes au type fin, le nez busqué, le profil allongé et mince, femmes du peuple à la face ronde, au nez camus, Japonais imberbes, Aïnos plus grands à longue barbe, pressent leurs figures curieuses devant les autels, où fument, derrière une balustrade, des prêtres indifférents. Les ris, fragments de sous que les marchands vendent liés par une ficelle, sont lancés par-dessus les têtes ou résonnent dans les escarcelles. Devant un autel rouge et doré, où brûle un cierge, des bonzes et de vieilles femmes sont accroupis ; un bonze lit les versets et le chœur des vieilles psalmodie les répons qu’elles scandent de coups de marteau sur de petites enclumes. Elles paraissent anesthésiées par le rythme ou la foi ; mais pendant les loisirs de la récitation alternée, elles se querellent pour attraper du thé dans leurs tasses.

Dans les rues de Kyôto, vraies rues de village, c’est la bonne vie populaire d’autrefois : point de fonctionnaires déguisés en Européens, ni de diplomates européens, comme à Tôkyô ; très peu d’indus-