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paysages chinois : les montagnes échafaudées, dont la base plonge dans la brume, ruissellent de cascades, se hérissent de rocailles, de pins, de kiosques, de temples et de promeneurs ; l’effet en est éparpillé, l’exécution timide ; mais pour un collectionneur japonais, scènes et paysages chinois ont la même noblesse traditionnelle qu’ont encore pour nous les imitations de l’antique.

Presque sans nous laisser le temps de regarder les œuvres elles-mêmes, il se hâte de nous faire admirer une des boites où, roulées, on les serre : « Elle est rare, dit-il, et à elle seule vaut cent yens. » Et il ajoute : « Ce qui fait le prix de ce kakémono, c’est qu’il a appartenu il y a soixante ans à un noble, qui était un fin poète ; voici la poésie que ce kakémono lui inspira. » Ces vieux amateurs extrême-orientaux mêlent toujours des considérations littéraires ou des anecdotes à leurs émotions esthétiques.

Soigneusement, il remet dans leurs boîtes les peintures enveloppées de leurs linceuls de vieilles soies, rentre ces boîtes dans d’autres boîtes et raccroche dans l’alcôve un kakémono, qui représente une montagne couverte de neige et une cascade, parce que les impressions de fraîcheur sont agréables en cette chaude saison ; puis il nous prépare le thé, un thé vert en poudre que, rituellement et solennellement, il dose et bat ; nous le buvons mousseux dans des grès craquelés, cerclés d’or.

Ce collectionneur paisible, cet heureux amateur des belles manières d’autrefois, est inkyo, c’est-à-dire