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le hokku[1]. Suggestions de rêves bouddhiques surtout, depuis que le grand poète Bashô se servit de cette forme poétique pour convertir les hommes aux doctrines morales de la secte Zen. Dans une de ses plus célèbres poésies un vieil étang, et le bruit d’une grenouille sautant dans l’eau évoquent l’idée de la vie méditative. Suggestions, les innombrables utas d’adieux à la vie.

Elles s’épanouissent ; — alors
On les regarde ; — alors les fleurs
Se flétrissent ; — alors[2]

Suggestions, ces fleurs qu’on aime ou qu’on méprise, parce qu’elles rappellent des légendes heureuses ou malheureuses, et ces bouquets arrangés

  1. Comme documents sur le sens original du paysage qu’ont les japonais, le kokku ou poésie de dix-sept syllabes, les jardins de Kyôto et les paysages de l’école proprement japonaise se complètent. La peinture de paysage au Japon est d’origine chinoise, et il y a toujours eu une école chinoise de paysage au Japon. Jôsetsu, Sesshû, Sesson, Kanô Motonobu en furent les maîtres les plus célèbres. Mais vers l’époque où le kokku s’imposait en poésie (fin du XVe siècle, commencement du XVIe) une école proprement japonaise naissait. C’est alors que Sôami favori du Shôgun Yoshimasa, esthète célèbre, dessina quelques-uns des jardins de Kyôto (Awata, Ginkaku-ji) régla les cérémonies de thé, et peignit. Un siècle plus tard l’art japonais des jardins, et aussi l’art d’arranger les fleurs fut illustré par Kobori Enshû, courtisan de Hideyoshi et de Ieyasu, tandis qu’à peu près à la même époque, fin du XVIIe siècle. Bashô se servit du kokku comme d’un moyen pour propager les enseignements bouddhiques de la Secte Zen. Telles sont les formes d’art vraiment japonaises (en dehors des estampes et des kakémonos de l’École populaire) contemporaines en leur développement.
  2. Hokku par Onitsura, XVIIe et XVIIIe siècle.