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leur race, avec ses croyances morales et religieuses, son histoire.

La nature pour un Japonais est très souvent un reflet d’idées : ses formes constituent un langage symbolique ; sans cesse elle évoque, elle suggère des légendes, des allégories. Pour nous, la nature a cesse d’être le symbole transparent au travers duquel on lit. Un paysage nous semble se suffire à lui-même : nous l’aimons pour lui-même ; nous le décrivons, nous le peignons pour lui-même. Sans doute il peut être émouvant, mais d’une émotion spécifique, non littéraire. Il n’a pas besoin de signifier des idées pour être éloquent. L’effort d’art nous paraît consister à le bien observer, à le rendre complètement, en tous ses développements, avec son équilibre, bref à en faire le portrait le plus ému, le plus individuel qu’il se peut. Les Japonais ne connaissent pas cette lutte avec leur modèle ; ils l’évoquent abrégé, dans la mesure où il suffit à signifier autre chose, à ouvrir le patrimoine d’idées commun à toute la race. Des portraits d’espèces leur suffisent : l’espèce bambou, l’espèce pin, l’espèce oie sauvage, plutôt que les portraits de tel bambou, de tel pin, de tel oiseau. Une esquisse de bambou par un Japonais est à un dessin d’arbre par Th. Rousseau ce qu’est le hokku à un sonnet de M. de Heredia, ou un jardin japonais à un parc dessiné par Le Nôtre.

La plupart de leurs impressions de nature sont des suggestions symboliques. Suggestions, plusieurs de ces petits paysages qu’ébauchent en dix-sept syllabes