Page:Aubert - Paix japonaise, 1906.djvu/278

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sirs que laisse la culture du riz, le paysan dessine ; lorsque les pruniers ou les cerisiers sont en fleurs, les gens de toute classe, sous la neige des pétales que détache le vent aigre du printemps, composent des vers qu’ils suspendent aux branches. L’art, pas plus que l’émotion de nature, n’est réservé à une élite : c’est un domaine banal. On croit peu au don inné, au génie qui isole : on pense que l’éducation est assez puissante pour amener tous les hommes à une haute moyenne de goût et d’habileté.

Leurs artistes, grâce à leur mémoire exercée, ont le don éminent de noter instantanément ce qu’il y a de plus fugace, de plus neuf dans les effets de nature, et aussi le don de l’épithète, de la ligne, de la touche qui en résumé dit beaucoup et suggère encore plus. Souvent ils interprètent, non pas une impression directe, non pas même un souvenir personnel, mais déjà une première interprétation d’autrui, un souvenir d’œuvre d’art. D’où leur sens raffiné des couleurs, leur sûreté dans la manière d’attaquer un dessin, et leur tendance à une recherche du décor plutôt que du portrait. À sentir la nature, ils apportent l’expérience d’une civilisation ancienne, un peu comme des artistes qui, en une deuxième vie, auraient l’expérience aiguisée d’une première vie d’études. Jamais on n’a été plastiquement plus gai, mieux disant, plus spirituel, plus libre dans l’exécution.

Le poète écrit ses vers, le dessinateur fait son esquisse pour une ou deux images qu’il juge rares :