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tradition respectée ; souvenirs de la rue ou de la campagne japonaises, dans les kakémonos et les estampes de l’art populaire.

Ce qui leur paraît digne d’être fixé en une œuvre d’art, c’est moins une impression directe et franche de nature que la nuance d’émotion éprouvée au souvenir d’une impression vive. Poètes, peintres ou graveurs font sans cesse allusion dans leurs œuvre aux huit beautés du lac Biwa, ainsi classées depuis des siècles : le coucher du soleil à Seta ; la lune d’automne vue d’Ishiyama ; la neige un soir sur Hirayama ; la cloche du crépuscule à Miidera ; les bateaux aux voiles déployées revenant de Yabase ; un ciel brillant, nettoyé par la brise, à Awazu ; la pluie nocturne à Karasaki ; les troupes d’oies sauvages s’abattant sur Katata. La beauté singulière de chaque site, beauté d’une heure, beauté d’un coup de lumière, d’un passage de voiles, d’oiseaux, de sons de cloche, est créée par le souvenir d’une émotion fugitive éprouvée là jadis ; et ce souvenir pieusement évoqué de génération en génération prête un caractère durable, définitif, à la beauté éphémère de chaque site du lac[1].

  1. Voici les titres de quatre kakémonos par Kanô Motonobu : la cloche d’un temple éloigné, le soir, et l’ardeur du coucher du soleil sur un village de pêcheurs. — Une bourrasque sur une petite ville, au milieu de montagnes, et des bateaux revenant au large. — La lune d’automne sur le lac Tung-Ting et des oies sauvages sur une plage de sable. — Une nuit pluvieuse en Hsiao-Hsiang et neige du soir sur le lac. (Cités par Tei-san : Notes sur l’art japonais.)