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l’humidité a tôt fait de patiner les charpentes et les chaumes de leurs temples moussus.

Je revois une fête de danse à Kyôto. Devant un paravent doré, de petites danseuses, des maïkos, en longs kimonos où s’épanouissaient de grosses fleurs claires, où filaient de longs oiseaux, passèrent et repassèrent, — petites silhouettes mobiles sur ce fond de très vieil or. Puis une danseuse apparut en couleurs vives, rouge cerise ou bleu clair, sur un fond argenté un peu froid. On avait eu soin d’enlever le paravent doré des danses précédentes. Jamais un œil japonais n’eût toléré pour des couleurs franches, même un peu aigres, le fond d’or si chaud qui convient à des tons rompus, à des valeurs sombres.

C’est à cette habitude de toujours appuyer leurs impressions sur un fond, que les Japonais doivent leur sens raffiné des valeurs et l’art d’harmoniser les tons. Leurs plus anciens kakémonos bouddhiques, imités de modèles chinois, sont parfois médiocres de dessin, mais presque toujours admirables de couleur : sur le fond vert sombre, chantent l’or, le rouge, l’ocre, le gris des vêtements, le carmin des lèvres, le rose tendre des fleurs de lotus. Plus tard, émancipés de l’influence chinoise, dans leurs estampes de l’école populaire, leurs artistes ont toujours eu l’œil fin et juste pour mettre un rocher ou un arbre en valeur sur un ciel. Avec des taches posées franchement, sèchement, ils ont su rendre la couleur de leur pays et sa tendresse si mobile dans des valeurs sombres, surtout les harmonies somp-