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Voici schématiquement la vision que prennent de leur pays ces visuels, accoutumés de vivre dans un paysage. Leurs impressions de nature et d’art sont toujours appuyées à un fond. Impressions éphémères : fleurs de pruniers, fleurs de cerisiers écloses quelques heures aux premiers jours de leur printemps neigeux et glacé, fleurs de lotus estivales, chrysanthèmes d’arrière-saison, feuilles d’érables qui rougissent en fin d’automne. Mais de ces nuances qui passent, c’est sur un fond immuable de cryptomérias, de pins, de cèdres, de palmiers, de bambous toujours verts que les Japonais savourent la grâce fuyante.

Dans leurs palais, dans les appartements de leurs grands temples, c’est sur des fusumas[1], sur des paravents d’or, que s’épanouissent en paquets les chrysanthèmes et les pivoines, s’élancent les bambous grêles, se tordent les branches de pins. Leurs plus célèbres jardins, évocations des sites les plus admirés, sont toujours adossés à une montagne forestière, nichés dans un creux de vallée, tels des bijoux présentés sur un écrin. Les monumentales voies dallées, les grands escaliers de pierre qui mènent à leurs sanctuaires sont incisés à vif dans la masse épaisse des verdures ; sous les hauts arbres,

  1. Cloisons de papier mobiles, qui séparent les diverses pièces de l’appartement.