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Par deux fois au moins dans leur histoire, sous l’influence bouddhiste et confucianiste de la Chine puis sous l’influence scientifique de l’Europe, ils n’ont pas hésité à sacrifier les idées qui formaient leur civilisation traditionnelle pour adopter des idées étrangères, en politique, en religion, en art, — comme si le sacrifice en coûtait assez peu à leurs cœurs. Idées et croyances ne sont pour eux que moyens de s’assurer une suprématie ; ils n’hésitent pas à les abandonner d’un coup quand une civilisation plus forte leur est révélée, et l’orgueil patriotique de ces révolutionnaires ne va qu’à faire aussi bien que nous, en faisant tout comme nous.

Car l’essentiel est d’empêcher leur terre japonaise d’être envahie et soumise, — ce sol protégé des dieux avec le peuple qui y vit[1]. Les îles japonaises sont d’origine divine : elles naquirent de l’union d’Izanagi et d’Izanami, les derniers représentants de ces générations de dieux qui précédèrent le monde des hommes. Et c’est d’Izanagi aussi que naquit la déesse du Soleil Amaterasu, ancêtre de la famille du Mikado.

Hors cette mythologie naturaliste, presque toutes leurs croyances sont d’origine étrangère. C’est l’amour de la nature, de leur nature japonaise, qui de ces révolutionnaires en idées fait un peuple conservateur, passionnément patriote.

  1. Les Japonais, qui ne furent pas les premiers habitants des îles où ils vivent aujourd’hui, bien vite, comme les Grecs, se crurent autochtones.