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Les Japonais aiment les replis de leur sol. Sédentaires, agriculteurs (pour plus de moitié), ils tiennent à la boue pesante de leurs rizières souvent conquises sur le roc, aménagées, possédées, cultivées en famille. Insulaires, ils s’attachent aux courbes de leurs golfes ; montagnards, aux profils des montagnes qui ceignent leurs vallées. Pendant plus de deux siècles, ils ont vécu dans leurs îles, sans relations avec le monde extérieur. De ce long repliement sur eux-mêmes et sur leur sol, — qui cessa il y a quarante-cinq ans à peine, — ils ont gardé l’habitude d’explorer et de connaître en détail tous les recoins de leurs côtes, de leurs roches, et de s’y nicher un peu frileusement.

C’est un peuple de « visuels », accoutumés de vivre en plein paysage. Même à la ville, ils ne sont jamais éloignés de la campagne : ils ne sont pas murés dans de la pierre. Entre l’homme et la nature, il n’y a pas ici l’intermédiaire du home ; ils ne peuvent pas s’attacher à leurs maisons de bois et de papier, comme nous à nos vieilles pierres. Pour gagner la campagne, ils n’ont pas à franchir des murailles garnies de tours, des fortifications. Point de banlieues souillées ; leurs plus grandes villes sont de gros villages pleins d’arbres ; les rues prolongent les routes.

Aussi, plus que pour tout autre peuple, le paysage a-t-il contribué à former le caractère national des Japonais. Leur patriotisme si fort est étrange : ce n’est ni un culte d’idées ni un respect de croyances.