Page:Aubert - Paix japonaise, 1906.djvu/263

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une barque, qui nous mène prendre le train sur l’autre rive du détroit, — un train neuf qui reluit. On parle finance et guerre. Des milliers d’hommes viennent d’être massacrés à Port-Arthur… Bien vite l’île sacrée, où l’on ne doit pas mourir, n’est plus qu’un fantôme dans la brume d’argent…

Nous suivons le bord de la mer, sans voir la grande houle accourant du large ; toujours des golfes clos par des chaînons d’îles, au fond de mers intérieures, où des lames courtes s’étalent sur le sable. Pour traverser l’île montagneuse, on franchit des passes, on suit des torrents, on tombe dans des vallées. Toujours la vue est barrée par des volcans aux formes géométriques ou par des collines aux profils volontaires, qu’adoucit toutefois leur fourrure de pins et de fleurs sauvages.

De sa vie enclose au fond de ces golfes ou dans ces vallées, le Japonais tient son indifférence pour la haute mer, la grande montagne, la forêt, la plaine, — pour tout ce qui fuit sans limites, — et aussi son humeur casanière, son peu de goût pour les aventures qui l’éloigneraient trop longtemps de ses îles. Les horizons de son pays, qu’il ne se lasse ni d’aimer ni de commenter, sont nettement sertis par des silhouettes de collines ou d’îlots familiers : rades closes ; vallées closes ; au fond, bien au fond, une vie blottie.