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les petits tas de cailloux que les fidèles jadis amoncelaient à leurs pieds. À un détour du chemin, sont accroupis trois Amida Botsu. Un cerf passe sa grosse langue sur leurs têtes. Il fait un bruit de râpe et souffle sa chaude haleine sur ces dieux morts.

En haut, on domine l’île, tout en montagnes ; les forêts s’écroulent massives sur la mer unie, que parfois les risées écorchent et décolorent au passage. Comme au hasard jetées, des îles fauves, telles des peaux de lions.

Nous redescendons à la nuit. La marée haute emplit la petite crique ; sur les eaux calmes, le temple semble à flot. Au bout d’une estacade, une lumière rouge, comme un feu de port. Plus loin, dans cette Mer Intérieure, hérissée de rocs, la silhouette droite du torii. Seul, au large, guettant le détroit fréquenté, il est là pour inviter les errants à s’arrêter, à se blottir dans le petit port de refuge, près des dieux.

Nous nous sommes assis sur le sable, regardant la marée pousser ses lames courtes au travers du torii, vers la masse sombre du temple déserté. La lune se lève entre les deux montants de bois : les deux cornes tachent le ciel de grasses touches de sépia sur un fond argenté. Le rivage est pesamment bordé de monumentales lanternes en pierre et de grands pins aux branches rampantes sur la grève pâle. Soupir rythmé et lourd de la mer grise. La côte en face est dans la brume.

Vers onze heures, nous regagnons à dos d’homme