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La Mer Intérieure.

Toute la journée, notre petit vapeur japonais, courtaud, ventru, s’essouffle à trouver sa route dans un labyrinthe de baies, d’îlots, de promontoires. Toujours derrière le cap que l’on vient de doubler, d’autres surgissent encadrant des fonds de forêt ou de mer, et c’est un soulagement d’apercevoir pour un instant, entre deux rocs, la base du ciel découverte et l’horizon d’un golfe libre.

Temps délicieux de lendemain d’orage. Les charpentes et les tuiles des petites maisons, qui s’étirent entre le roc et la mer, luisent encore de pluie. On dirait qu’un coup d’épongé vient de rafraîchir les façades des collines, des arbres, des cailloux, dont les reflets vernissés pèsent sur l’eau plane. Impression de détente heureuse, dans cette moiteur et cette lumière où formes énergiques et couleurs vives s’assouplissent et se fondent. La mer, de valeur aussi claire que le ciel, est pommelée de gros nuages qui se mirent.

Dans les anses, tous les bateaux ont déployé leurs voiles pour qu’elles sèchent, grands oiseaux posés sur l’eau, ailes étendues, prêts à reprendre leur vol. De hautes goélettes à coque blanche, toute toile dehors, glissent dans la brume ensoleillée, vaisseaux fantômes comme en peignit Turner. La mer est jonchée de barques massives, — arrière très relevé, voile d’or plissée, yeux de poisson à la proue, — que