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Yang, après Moukden, confusément on se représentait le monde jaune — Coréens, Siamois, Annamites, Chinois, conduits par le Japon — tombant sur les Blancs ; ce serait une catastrophe soudaine, irrémédiable, à laquelle il faudrait se résigner : une digue qui se rompt, un flot jaunâtre recouvrant d’un coup notre civilisation toute blanche.

Il est curieux que nous continuions de nous représenter l’Asie et ses hordes avec les mêmes mots et les mêmes images qu’employaient au XIIIe siècle les contemporains de saint Louis qui entendirent parler des Mongols ou qui les virent. Nos idées sur le péril jaune datent de six siècles et demi. Quand les Mongols débouchèrent sur le Don, Polonais, Allemands, Hongrois les croyaient innombrables, tant la terreur qu’ils inspiraient était grande. En moins de trente jours, ils conquirent la Pologne et la Silésie, depuis la Vistule jusqu’à l’Oder et aux Marches de Saxe ; on les vit sur l’Adriatique ; ils occupaient la Hongrie quand ils refluèrent sur l’Asie. L’Europe, très bien espionnée par les Mongols, les ignorait presque et n’avait pas prévu leur avance. « Dans cette curieuse invasion des barbares, a-t-on pu dire, les vrais barbares ne sont